L’art et ses issues

  • Isabel Vaillancourt
    Ça va aller. Lévesque éditeur (purchase at Amazon.ca)
  • Pierre-Louis Gagnon
    La disparition d'Ivan Bounine. Lévesque éditeur (purchase at Amazon.ca)
Reviewed by Alexandre Gauthier

À la lumière des événements qui ponctuent l’actualité des dernières années et du niveau général du discours de nos dirigeants véhiculés par les médias, les vertus, l’utilité de l’art sont dans notre société souvent remises en question. Or, l’utilité de l’art n’est peut-être pas nécessaire, mais elle est bien réelle. Les deux œuvres présentées ici sont très différentes tant sur la forme que sur le fond, mais elles nous rappellent l’impact que peut avoir l’art et la littérature en particulier sur la société, mais aussi sur l’individu.

Ça va aller d’Isabel Vaillancourt est un carnet littéraire, sorte de genre hybride qui donne à l’autrice toute la liberté nécessaire afin d’aborder les sujets de son choix dans une perspective qui se situe en dehors de la fiction, mais autour de son processus d’écriture, de son rapport à l’art, de son rapport à la vie. On suit l’autrice à travers les derniers moments de la vie de son conjoint qui souffre de démence. Elle bâtit son carnet un peu comme un roman. Elle crée de véritables atmosphères en situant et en décrivant de manière très précise son environnement dans lequel elle évolue et duquel elle s’inspire. On voit très bien la rue Sainte-Bernadette, on ressent l’hiver, la neige qui tombe. Elle présente aussi une série de personnages qui gravitent autour d’elle : son amant bien entendu, sa chatte Annabelle, le vagabond qui lui rend visite, sa famille. À ces personnages s’ajoutent tous ces artistes — peintres, auteurs, compositeurs — qui l’accompagnent également. En effet, tout au long de l’ouvrage, Vaillancourt réfléchit à voix haute sur ses lectures du moment, confrontant ses opinions, ses visions à celles de ces artistes et de ces scientifiques, réfléchissant ainsi à sa propre condition d’écrivaine. Mais à cause de l’aspect nettement biographique du récit, elle s’attarde surtout à sa condition de femme vieillissante qui se demande bien ce qui l’attend après la mort de son conjoint. Elle cherche dans son travail d’autrice certes, mais dans ses lectures, dans la peinture, dans l’art au sens large la salvation ou à tout le moins un début de réconfort, une réponse à ses questions existentielles. La multiplicité des tons et le passage du spirituel à l’extrême quotidienneté font de ce carnet un discours à la fois sincère et touchant sur la vieillesse, la vie, la mort et propose un solide témoignage en faveur de l’art.

Dans La disparition d’Ivan Bounine, un « thriller politico-littéraire » de Pierre-Louis Gagnon, on change complètement de registre même si la littérature fait encore ici partie de la galerie de personnages. Ivan Bounine, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1933, est un écrivain russe installé en France et honni par le régime de Staline suite à la publication de son journal Jours maudits en 1925. Gagnon s’intéresse précisément à la période précédent le couronnement de Bounine. Aleksandra Kollontaï, ambassadrice soviétique à Stockholm est chargée d’empêcher le comité Nobel de récompenser Bounine en suggérant plutôt la nomination de Maksim Gorki. Alors qu’elle connait peu de succès, tout l’appareil diplomatique russe sera mis au service de cette affaire afin de prévenir l’humiliation que pourrait subir l’URSS suite à la réception du plus prestigieux prix littéraire par un dissident. Rapidement, l’affaire Bounine prend une ampleur disproportionnée et provoque un important jeu de coulisse qui implique les gouvernements français et suédois. Tout au long de l’ouvrage, on rencontre une myriade de personnages — politiciens, académiciens, écrivains, diplomates — que l’auteur décrit avec soin. En ce sens, il parvient à esquisser le contexte de manière très efficace et ce, même s’il s’agit d’un contexte historique que nous ne connaissons pas nécessairement. Par contre, la description, nécessaire, étant très longue, les rebondissements se font parcimonieux et l’action arrive assez tard et le tout manque certainement de spectaculaire. Par contre, il s’agit d’une véritable incursion dans les arcanes du monde diplomatique de l’époque et les portraits des divers acteurs politiques étant particulièrement bien faits, le roman nous donne le goût d’effectuer nos propres recherches et d’en apprendre davantage sur cette époque mouvementée. L’ouvrage nous rappelle également l’importance des intellectuels, des écrivains et de la littérature au début du XXe siècle et leur réelle influence.



This review “L’art et ses issues” originally appeared in 60th Anniversary Spec. issue of Canadian Literature 239 (2019): 155-156.

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