Un parent affectionné

  • Renée Blanchet (Editor), Georges Aubin (Editor) and Louis-Joseph Papineau (Author)
    Lettres à sa famille : 1803-1871. Septentrion
Reviewed by Michel Ducharme

En 2000, Georges Aubin et Renée Blanchet débutaient une œuvre monumentale : la publication de la correspondance intégrale de Louis-Joseph Papineau. Au cours de la dernière décennie, ils ont ainsi publié les lettres adressées à Julie, sa femme (2000), à ses enfants (2004) et à divers correspondants (2006). Avec Lettres à sa famille, Aubin et Blanchet mettent un terme à leur entreprise. Ce dernier volume inclut plus de 400 lettres envoyées par Papineau à divers membres de sa famille (père, sœur, frères, cousins, neveux, nièce, etc.). Les lettres sont annotées, démontrant l’admirable érudition d’Aubin et de Blanchet. Elles sont également accompagnées par des notices biographiques des différents correspondants et plusieurs photographies.

Les lecteurs avant tout intéressés par la vie politique bas-canadienne et la pensée du leader patriote seront déçus : cette correspondance ne contient que quelques commentaires épars et sans profondeur sur la vie politique de son temps. De toute évidence, Papineau considérait que la politique n’était pas la chose la plus importante à discuter avec sa famille. Dans ce contexte, deux grands thèmes ressortent de cette correspondance. Le premier concerne la situation financière, toujours assez précaire, de la famille Papineau. Le développement de la seigneurie de la Petite-Nation fait ainsi l’objet d’un très grand nombre de lettres. Les agents de Papineau (son frère Denis-Benjamin, son neveu Joseph-Benjamin-Nicolas et son neveu par alliance François-Samuel MacKay) comptent parmi les destinataires privilégiés dans cette correspondance. Les lettres leur étant destinées portent essentiellement sur la concession de terres, la construction et la gestion du moulin seigneurial ainsi que les poursuites intentées contre les mauvais censitaires. Durant l’exil parisien, de 1839 à 1845, c’est la gêne dans laquelle se trouve la famille qui domine la correspondance, alors que Papineau craint la confiscation de ses biens par le gouvernement.

Le deuxième thème central de cette correspondance est la souffrance, la maladie (physique ou mentale), les grossesses qui peuvent mal se terminer et la mort. On ne peut s’empêcher de réaliser en lisant ces lettres jusqu’à quel point la souffrance était normale au dix-neuvième siècle; la mort, omniprésente; la résignation, nécessaire. Ceci dit, si les lettres de Papineau font régulièrement référence à la maladie ou à la mort d’êtres aimés, elles sont habituellement assez sobres et retenues. Papineau s’épanche peu et n’exprime pas ses émotions par écrit, si ce n’est à la mort de son père en 1841, qui l’affecte tout particulièrement. Les lettres de Papineau deviennent toutefois un peu plus personnelles, plus longues et plus triviales à la fin de sa vie. Il est alors clair que le seigneur de Montebello s’ennuie.

Il est intéressant de noter certaines lacunes dans cette correspondance. Ainsi, très peu de lettres sont adressées à Denis-Benjamin Papineau après 1838, même si la relation entre les deux frères semble être demeurée cordiale. De la même manière, rares sont les lettres adressées à André-Augustin et Toussaint-Victor, les deux autres frères de Louis-Joseph, ainsi qu’à Louis-Antoine Dessaulles, son neveu. Il est difficile de déterminer les raisons qui expliquent l’absence de correspondance entre Louis-Joseph et ces destinataires : peut-être ne leur a-t-il jamais rien écrit ou peut-être est-ce que ses lettres ont été perdues. On ne le saura probablement jamais.

Dans l’ensemble, cette correspondance nous en apprend beaucoup sur Papineau le seigneur et le parent « très affectionné » qu’il était. Ce volume complète donc à merveille les cinq précédents. Ne reste plus qu’à remercier Aubin et Blanchet pour avoir effectué un travail magistral. Des générations de chercheurs leur en sauront gré.



This review “Un parent affectionné” originally appeared in Indigenous Focus. Spec. issue of Canadian Literature 215 (Winter 2012): 187-88.

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