Un Parisien au pays des pingouins. Lévesque éditeur
C’est par le biais d’un peu moins d’une centaine de textes brefs que l’auteur Ste?phane Ledien partage son amour du froid et de la neige. Ce Parisien d’origine, publicitaire et critique de cine?ma, qui a fait de Que?bec sa ville d’adoption, fait le re?cit de son acclimatation au Que?bec. Le livre s’ouvre d’ailleurs sur la de?couverte (traumatisante), dans « Machines de guerre », du boucan que peuvent faire les de?neigeuses en pleine nuit. Ce premier texte donne le ton : apre?s le choc thermique viendront les chocs linguistiques. Le « chum » et la « blonde », les « bobettes », la « tuque », la « slush » et autres « Tabarnouche! » s’offrent comme des passages oblige?s.
Les re?cits d’Un parisien au pays des pingouins font la part belle a? l’e?merveillement devant les grands espaces. Dans « Souper en ville », l’auteur a to?t fait de remarquer que les expe?ditions se de?roulent souvent au quotidien, e?vitant ainsi de tomber dans une vision romantique des territoires vierges. Si des figures telles que la « cabane au Canada » et celle du « coureur des bois » sont convie?es, c’est rarement pour les glorifier. Elles servent de pre?textes a? des re?flexions sur des re?alite?s banales, (le pelletage de la neige, par exemple) et re?ve?lent en me?me temps les e?carts avec Paris.
Si la tonalite? ge?ne?rale des re?cits penche vers l’euphorie, l’auteur se garde de ne voir que le co?te? rose — ou pluto?t blanc! — de la vie que?be?coise. Si son pays d’accueil le met dans la posture du de?couvreur, il n’en reste pas moins qu’une certaine nostalgie de la me?re patrie se dessine en arrie?re-plan. Ainsi y a-t-il un peu de Que?bec dans Paris et vice-versa, chaque endroit devenant la mesure comparative de l’autre. Enchante? par le co?te? chaleureux des Que?be?cois, par la facilite? des contacts entre voisins (au contraire de l’Hexagone), Ledien note aussi la difficulte?, pour certains compatriotes franc?ais, d’entrer dans un nouveau cercle d’amis. Le peu de soin apporte? a? la pre?sentation des vins trouve?s en e?picerie n’impressionne gue?re, mais quel acce?s a? la diversite? des plaisirs viticoles!
Ste?phane Ledien signe ici un premier ouvrage honne?te, ou? les textes parfois ine?gaux, dans cet ensemble volontairement e?clate?, s’ache?vent plus souvent qu’autrement sur un bon mot, ceci ayant pour effet de cre?er une redondance plus ou moins heureuse. Il faut toutefois souligner son usage habile des ste?re?otypes et sa capacite? a? de?monter les ide?es pre?conc?ues de part et d’autre de l’Atlantique pour mettre en relief les mauvais plis et les bizarreries de chacun. S’il fallait trouver une moralite? a? ces re?cits qui se consomment a? petite dose, c’est qu’il convient a? tout un chacun de faire de son quotidien un terrain de jeu.