Citadins et immigrants

  • Tina Mouneimné
    Vers l'imaginaire migrant: la fiction narrative des écrivains immigrants francophones au Québec (1980-2000). Peter Lang Publishing Group (purchase at Amazon.ca)
  • Anne-Yvonne Julien
    Littératures québécoise et acadienne contemporaines au prisme de la ville. Presses Universitaires de Rennes (purchase at Amazon.ca)
Reviewed by Molleen Shilliday

Vers l’imaginaire migrant invite le lecteur à découvrir les convergences et les divergences de quelques textes québécois écrits par des écrivains immigrants entre 1980-2000. Dans son introduction, Mouneimné explore le terrain politique et social du Québec, mettant en lumière les lois, les mouvements littéraires et sociaux et les référendums qui marquent l’histoire, la conscience collective et la littérature de cette province. Dans son premier chapitre, Mouneimné explique les multiples termes qui reviennent le plus souvent dans les études critiques : cette écriture qu’on nomme migrante, métisse ou hybride est souvent associée à ce qui est « ’liminaire’, ’périphérique’, ’émergent’, ’postcolonial’, ’mineur’ ou [. . .] ’de l’exiguïté’ ». Dans ce premier chapitre et dans les deux qui suivent, Mouneimné se penche plus précisément sur les œuvres de quelques écrivains immigrants : Marie-Célie Agnant, Ying Chen, Abla Farhoud, Naïm Kattan, Sergio Kokis, Mona Latif-Ghattas , Dany Laferrière, Marco Micone, Émile Ollivier, Régine Robin, et Bianca Zagolin. Ce vaste corpus permet de montrer l’hétérogénéité de leurs œuvres et par extension, la nature contradictoire et inexacte de leur étiquetage comme groupe (quasi) homogène. Cette étude approfondie et synthétique vise à dénouer les fils conducteurs des œuvres critiques qui se sont enchevêtrées au cours des dernières années face à la complexité de ce sujet littéraire. Mouneimné souligne qu’il faut absolument revenir au véritable sujet, c’est-à-dire, l’écriture même et l’universalité de la différence.

L’ouvrage collectif, Littératures québécoise et acadienne contemporaines au prisme de la ville, étudie des textes littéraires franco-canadiens écrits entre 1950-2010 qui traitent explicitement ou implicitement du rôle que joue la ville dans la vie contemporaine. Cet épais volume comprend 36 articles bien organisés en quatre parties également divisées sous les rubriques suivantes : « Montréal en diachronie », « Le rural et l’urbain, nouveau mode d’emploi », « Arythmies urbaines », « Capitales littéraires en rivalité », « Labyrinthes éclatés et lueurs d’apocalypse », « Proliférations des non-lieux », « La banalité réinventée », « Le lieu de mémoire générationnelle », « Voies libres », « Mutations » et « Vers des modulations structurelles et génériques inédites ». Ces rubriques reflètent bien la diversité des articles et l’ampleur du sujet. Alors que l’on est d’abord sceptique de voir se dégager une cohérence au cœur d’un ouvrage aussi ambitieux qui étudie les centres urbains de notre pays, des pays étrangers, des lieux imaginaires et la notion du non-lieu, le prisme en question commence à scintiller au cours de notre lecture. Il prend forme au fur et à mesure que les reflets et les miroitements entre les œuvres qu’abordent les critiques se multiplient. Les articles sont réunis sous la direction d’Anne-Yvonne Julien et c’est sa voix qui guide le lecteur à travers ce vaste terrain critique. Les quatre introductions (une pour chaque partie) et la conclusion rédigées par Julien donnent à l’ouvrage une qualité cartographique. C’est grâce à cette mise au point méticuleuse et régulière que l’on a l’impression de traverser le terrain en survol, comme un oiseau migratoire qui s’arrête aux métropoles pour scruter ses citadins curieux. Qualité rare d’un ouvrage si volumineux, les articles sont tous d’une pertinence égale. Les articles de Gauvin, Hotte, Laforest, Melançon, Viau et Hayward tournent notre attention vers la pluralité de la ville. A propos du quartier de Côte-des-Neiges (Québec), Viau écrit qu’il est « d’une territorialité palimpseste [. . .] qui cherche son identité dans la confrontation et l’accueil, le désir de s’affirmer et celui de se fondre dans une universalité devant être définie ». On apprend que la ville est souvent esthétisée comme un « palimpseste », constamment en voie de construction, déconstruction et reconstruction… Cette qualité de la ville est au fond de notre fascination : elle reflète la nature non seulement éphémère et angoissée, mais aussi idéalisée et unitaire de la condition humaine (Oore). Une liste des différentes perspectives qui suscitent l’intérêt du lecteur serait trop longue. En voici quelques-unes : l’écocritique (Rogers), l’importance de l’espace mémoriel (Crevier-Goulet, Tremblay), les qualités utopiques de la ville (Calle-Gruber), l’exil et la dérive (Parker, Levasseur, Sing) et l’importance de l’hospitalité (Francis), etc. Il faut noter que l’inclusion de plusieurs tableaux qui dépeignent la ville donne à l’ouvrage un bel aspect visuel et poignant. Par ailleurs, la participation de Régine Robin nous offre un coup de nostalgie et nous rappelle à quel point la ville laisse sa trace sur notre vie, à quel point elle nous berce, nous hante. Au prisme de la ville cerne toute la richesse qu’offre la ville comme sujet d’étude.



This review “Citadins et immigrants” originally appeared in Agency & Affect. Spec. issue of Canadian Literature 223 (Winter 2014): 161-62.

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