ne pas humecter. Éditions du Noroît
Offrandes de la jouissance. Éditions du Noroît
Orpailleur de bisous. Éditions l'Interligne
Paru en 2009, Offrandes de la jouissance est le premier recueil de poésie de Marylène Bertrand qui, pour son entrée dans le monde littéraire, s’attaque à un sujet osé et casse-gueule : le sexe, et plus précisément la jouissance. Tout au long de 5 parties émaillées de citations pertinentes d’Annie Leclerc, Bertrand propose une réflexion originale et sincère sur ce sujet encore trop tabou. Par l’acte sexuel, c’est la vie qui est sublimée, c’est le bonheur que la femme, poète, veut atteindre. La poésie de Marylène Bertrand est ainsi très vivante, et les mots composés (nuage-amant, raison-navire) y sont récurrents. Un premier recueil fort réussi et audacieux, qui promet de belles choses de la part de la jeune poétesse québécoise.
Après Maison vide, le jeune poète québécois Charles Drouin récidive avec un recueil de poésie personnel et original, ne pas humecter, qui promet de grandes choses mais s’essouffle rapidement. Dans la première partie, « porto et porno » (notons au passage les noms des cinq parties qui sont novateurs, cocasses, très poétiques), un homme rencontre une femme et l’aime. Mais celle-ci, prenant peur face au réel engagement (« tu as couru si vite pour éviter la seule phrase qui/importe »), s’enfuit, laissant l’homme seul et abandonné. C’est ensuite la dégradation de cet homme qui est illustrée dans « retailles d’hosties ». Malheureusement, ce fil narratif, encore plus percutant et touchant lorsqu’il est mélangé à la poésie concrète et prometteuse de Drouin, disparaît petit à petit dans le reste du recueil, où le je prédominant se mélange à un il qui aurait pu souligner l’aliénation de ce je poète, mais qui est amené malheureusement trop maladroitement. La dernière partie, le prologue, met en scène une petite fille qu’on soupçonne être la femme du début, lorsqu’elle était enfant. Mais ce n’est pas précisé, et on doute encore de la pertinence de cette finale. Le dernier poème du recueil, cependant, s’avère efficace : « j’ai étranglé ces voix une à une/je m’ennuie d’elles//j’aurais dû nous noyer/dans la mer noire/en un paragraphe ». ne pas humecter oscille ainsi entre poèmes brillants et manque de structure.
S’il est l’un des représentants de la jeune poésie franco-manitobaine, Laurent Poliquin vient de publier son cinquième recueil, Orpailleur de bisous. C’est ici un sujet casse-gueule et pas si fréquent : la relation entre un père et un fils, ou plutôt la fusion entre ces deux êtres qui doivent apprendre à se connaître. On sent toute l’expérience vécue de Poliquin, lui-même père, dans ses poèmes, puisque le langage poétique sonne vrai, juste, touchant. À la fois personnel et universel, ce recueil, composé d’épisodes heureux ou non de la paternité, permet de découvrir une voix littéraire unique très talentueuse. On regrettera seulement parfois un certain travail visuel inutile (le fait de séparer un mot en cinq lettres distinctes, par exemple). Mais sinon, une belle surprise qui vient de l’Ouest francophone, et un véritable poète à (re)découvrir.