Histoires de copistes

  • Elsa Pépin
    Les sanguines. Éditions Alto (purchase at Amazon.ca)
  • Dominique Fortier
    Au péril de la mer. Éditions Alto (purchase at Amazon.ca)
Reviewed by Magali Blanc

Le premier contact qui s’établit entre le roman et le lecteur commence toujours par un regard, attentif ou furtif, vers la première de couverture. C’est elle qui donne le ton au récit que l’on s’apprête à lire. Au péril de la mer (récipiendaire du prix littéraire du gouverneur général en 2016) et Les sanguines offrent deux illustrations aux couleurs diamétralement opposées : le bleu et le rouge, la mer et la terre, le calme et la colère. Pourtant ces deux romans auront plus de thèmes en commun qu’il n’en y parait.

Nos deux romans vont mêler Histoire et histoire. En effet, tantôt nous serons projetés au XVe siècle avec Au péril de la mer; tantôt au XVe, XVIe et XXe avec Les sanguines. Mais pourquoi faire un va-et-vient entre deux temporalités? Quel est l’intérêt derrière ce procédé littéraire? Le découpage par chapitre facilite la lecture et ne pose donc aucun problème au lecteur pour séparer le temps historique du temps contemporain. Au péril de la mer nous plonge au cœur de l’abbaye du Mont-Saint-Michel où un peintre perdu et meurtri par la mort de son amante va tenter de se reconstruire grâce au calme de l’église abbatiale, mais également grâce à une nouvelle forme d’expression : la copie de manuscrits. Ainsi, l’écriture sera au centre de ce roman où Dominique Fortier inscrira à jamais sur le papier les difficultés rencontrées de (re)écrire le passé, mais aussi celles liées au futur. Tour à tour, l’auteure et le peintre remettront en question le processus d’écriture de l’Histoire : qu’est-ce qui est vrai? Qu’est-ce qui est faux? Car il semblerait que l’objectivité soit une gageure dans ce monde.

Du côté des Sanguines, Elsa Pépin analysera à la fois la signification du lien sanguin qui unit deux sœurs entre elles, mais également l’évolution de la médecine dans ce domaine au cours des siècles. Sarah et Avril sont littéralement opposées : la première est une femme en mal d’amour et une peintre qui se contente de copier le travail des autres; la deuxième, l’aînée de la famille, est la mère de deux jolies petites filles et à qui tout réussit. Malheureusement, un jour, Avril tombe gravement malade et doit recourir à un don de moelle osseuse. Ironie du sort, la seule personne capable de l’aider est sa petite sœur, Sarah. Le choix ne sera pas si simple pour cette dernière qui jusqu’à présent était considérée comme le vilain petit canard de la famille. Dès lors, un dilemme se pose : pourquoi devrait-elle aider celle qui était l’enfant prodige ? Et surtout : pourquoi le destin l’a-t-il choisie elle? Entre récits scientifiques détaillés sur les essais cliniques organisés par, entre autre, Jean-Baptiste Denis et le cheminement personnel de Sarah, Elsa Pépin nous propose de reconsidérer la relation que nous entretenons avec la famille et donc avec le sang. Pour Sarah, la maladie d’Avril lui ouvrira de nouvelles perspectives jusque là inconsidérées; ce sera l’occasion pour elle de sortir de l’ombre. Ainsi, Sarah commencera à emprunter doucement le chemin du don et de la révélation de soi.

Au péril de la mer et Les sanguines sont deux romans unis par la peinture et la réalisation personnelle. Dominique Fortier explore à sa manière sa passion pour les mots et par la même, son attirance pour les livres qui pour elle se trouve personnifiée par le Mont-Saint-Michel. Elsa Pépin, quant à elle, revisite les liens sanguins et fraternels qui unissent à jamais deux sœurs. Certes, la thématique du sang « coule » à travers tout ce roman, mais ce n’est que pour servir un but précis : se laisser aspirer par la peinture que nous sommes en train d’observer, c’est-à-dire admirer la première et vraie peinture de Sarah Becker.



This review “Histoires de copistes” originally appeared in Eclectic Mix Spec. issue of Canadian Literature 234 (Autumn 2017): 150-151.

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