Le Retour de Babel

Reviewed by Molleen Shilliday

Avec son ouvrage court et concis Tours et Détours : le mythe de Babel dans la littérature contemporaine, Catherine Khordoc comble une lacune de la critique littéraire en mettant en lumière la pertinence du mythe babélien vis-à-vis des problématiques contemporaines qui foisonnent au centre de cinq œuvres francophones. Khordoc montre que « la tour de Babel semble être en voie de reconstruction en ce début du XXIe siècle ».

Khordoc, qui est professeure de littérature francophone au Département de français à l’Université Carleton, choisit un corpus varié pour lever le voile sur un objectif central de son projet : la mise en relief de la transnationalité de ce thème. Elle ouvre l’étude avec une synthèse approfondie et pluridisciplinaire des références babéliennes contemporaines en se penchant essentiellement sur la littérature et les médias dans lesquels on voit Babel proliférer. Avant d’entamer son étude des livres — L’Algarabie de Jorge Semprún, Babel, prise deux ou Nous avons tous découvert l’Amérique de Francine Noël, Ainsi parle la Tour CN d’Hédi Bouraoui, Babel-Opéra de Monique Bosco et Tambour-Babel d’Ernest Pépin — Khordoc dédie son premier chapitre aux nombreuses interprétations du mythe et à une étude étymologique. En délimitant les diverses facettes du terme — théologique, littéraire, linguistique, sociologique, philosophique — Khordoc met en exergue les contradictions qu’il contient et la richesse que connote sa présence.

Selon Khordoc, « l’opposition malédiction/bénédiction demeure au cœur de l’interprétation du mythe de Babel ». Or, elle développe l’idée que, depuis toujours, ce terme est d’une ambivalence tranchante qui est marquée par la multiplicité et l’uniformité, l’ordre et le chaos, la compréhension et l’incommunicabilité. Elle stipule qu’aujourd’hui ce mythe sert de métaphore pour la diaspora, la migration, l’urbanisme, le multiculturalisme et la traduction. Cette thématique souligne les manières diverses dont on habite ce monde labyrinthique, postmoderne, qui est aussi enrichissant que déboussolant.

Son étude de L’Algarabie de Semprún débouche sur une question : « Le mythe de Babel serait-il le symbole par excellence du postmodernisme? » Elle relève le lien entre le mythe babélien et les imperfections de la langue, l’intraduisibilité et la déchéance de la communauté qui est au cœur du roman. Le chapitre portant sur Babel, prise deux de Noël établit le rôle du mythe comme métaphore de la tension et de la réconciliation des cultures diverses au sein de Montréal. Au sujet d’Ainsi parle la Tour CN de Bouraoui, Khordoc réfléchit sur le ludisme qui peut accompagner la transculturalité. Babel-Opéra de Bosco est, selon Khordoc, l’œuvre la plus dysphorique du corpus : Khordoc nous émeut avec son analyse du lien entre le mythe et le côté traumatique et douloureux de la dispersion dans le texte. Tambour-Babel de Pépin est un texte significatif selon Khordoc, car Babel y sert à montrer « le côté positif du plurilinguisme et de la créolisation ».

Les arguments de Khordoc sont originaux et finement élaborés; son étude est une contribution incontournable concernant la relation entre ce mythe originel et la littérature contemporaine francophone.



This review “Le Retour de Babel” originally appeared in Gendering the Archive. Spec. issue of Canadian Literature 217 (Summer 2013): 162-63.

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