L’enterrement de la sardine: Dernier volet de la sinueuse trilogie lisboète

Reviewed by Liza Bolen

Entrer dans L’Enterrement de la sardine, c’est entrer dans un univers disjoncté, où l’on accepte volontiers de se laisser entrainer par une narration fragmentée et essoufflante. Ceux qui connaissent déjà Le sermon aux poissons (2011) et Nina (2012), les deux volumes précédents de ce que l’on peut désormais appeler « la trilogie lisboète », connaissent déjà les plaisirs de ce jeu. Ceux qui rencontrent pour la première fois cet univers seront étourdis par la chaleur qui émane du texte et, surtout, par l’intelligence secouante de l’auteur Patrice Lessard. Résumer ce roman n’est pas chose simple. Bien que l’histoire puisse être énoncée de façon assez brève (un jeune écrivain tente d’écrire un roman à Lisbonne), les jeux de narration, le style unique de l’auteur, les personnages à la fois attachants et aliénants qui peuplent ce roman ainsi que les incessants aller-retour entre la réalité et la fiction donnent à L’Enterrement de la sardine un caractère unique et insaisissable. En effet, cet univers est celui du désordre, tant à l’intérieur du récit que dans la manière dont celui-ci est présenté sur les pages du roman.

Ainsi, on passe du chapitre 13 au chapitre 7, puis viennent les chapitres 9, 10 et 14. Certains chapitres reviendront plus d’une fois et seront racontés de façon différente, et tous seront entrecoupés par des bribes de La vie de Sebastian, le roman que tente d’écrire le personnage principal. Bien que cette division puisse d’emblée paraître étrange et même perturbante, on réalise bien vite que cette façon de présenter le récit est nécessaire, car elle permet non seulement de raccorder la réalité à la fiction, mais elle permet aussi au lecteur de vivre cette même confusion, ces mêmes sensations de quête et de perte que vivent les curieux personnages de ce roman.

Vacillant entre le lumineux et l’impénétrable, le texte donne souvent au lecteur l’impression de se perdre dans l’opacité de ce labyrinthe littéraire pour se retrouver soudainement dans la chaleur familière des cafés et des bars de Lisbonne. Et c’est précisément cette sensation que vivent, à différents degrés, tous les personnages qui habitent l’univers de Patrice Lessard. Accompagné par l’auteur (ou, plutôt, par les auteurs), le lecteur parcourt les rues et les ruelles de Lisbonne en adoptant le regard de quelqu’un qui a connu cette ville, qui l’a aimée, et qui la voit maintenant ternie par de lourdes difficultés économiques. Ce roman témoigne donc de l’incompréhension et de l’impuissance de celui qui, petit à petit, constate la perte de ces points de repère. C’est en effet cette sensation que communique l’auteur à son lecteur à travers les dialogues interrompus et les descriptions fragmentées de L’Enterrement de la sardine, et c’est précisément là que se trouve le génie créateur de Patrice Lessard.



This review “L’enterrement de la sardine: Dernier volet de la sinueuse trilogie lisboète” originally appeared in Agency & Affect. Spec. issue of Canadian Literature 223 (Winter 2014): 169.

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