Reflets fictionnels, questions interculturelles

  • Daniel Castillo Durante
    Le Silence obscène des miroirs. Lévesque éditeur
Reviewed by Nicholas Beauclair

Ce roman de Daniel Castillo Durante aborde des thèmes plutôt classiques en littérature, l’identité (ou sa perte), l’exil, les amours déchus, etc., mais avec un regard contemporain aiguisé. Bien ancré dans le vingt-et-unième siècle, l’auteur déploie une interculturalité qui nous mène autant dans les recoins subtils de l’identité mixte du personnage principal, dont les racines se trouvent à la fois à Montréal et en Argentine, que dans les liens qu’il tisse entre la culture populaire et l’érudition.

La double identité du protagoniste, qui nous ramène à celle de l’auteur, Québécois d’origine argentine, nous offre un roman aux accents complexes pour un lecteur qui ne serait pas familier avec la culture hispano-américaine et la langue espagnole. Ponctué de multiples références géographiques, linguistiques et culturelles à l’Argentine, le roman n’est pas pour autant hermétique et reste tout de même accessible au grand public qui saura sans doute apprécier les nombreuses intrigues qui s’entrecroisent et l’humour souvent noir de l’auteur.

La recherche identitaire du personnage principal, portée par la perte de ses papiers en terre étrangère, nous ramène aux grandes questions touchant le véritable fondement de notre identité. Cette perte le met en situation d’apatride sans papier, mais le plonge également au cœur d’un questionnement qui l’amène à replonger ses racines dans cet « entre » de l’interculturalité, à la frontière de ses diverses appartenances.

Cette interculturalité ne se manifeste cependant pas seulement à travers les différents espaces culturels qui ont formé l’auteur et le protagoniste de son roman, mais également à travers l’enchevêtrement de ses références. Passant de la culture 2.0 de l’In- ternet à des références pointues sur des auteurs plus ou moins connus, il nous mène dans un voyage littéraire fort intéressant faisant écho, de manière assez explicite, à Jorge Luis Borges et à sa fiction d’érudition. D’ailleurs, les connaissances littéraires de l’auteur se révèlent par la maîtrise d’une narration touffue et l’utilisation de procédés offrant une lecture à plusieurs niveaux. Ainsi, le titre du roman renvoie à celui de la dernière fiction de Borges. Le protagoniste découvre d’ailleurs qu’il en est peut-être le personnage principal. On sent également l’influence de Borges lorsque le narrateur fait référence à des œuvres à l’existence incertaine, comme cet ouvrage encyclopédique du dix-septième siècle portant sur les divers fessiers du monde.

En somme, l’écrivain nous offre un roman fort plaisant à lire, mais tout de même exigeant. Les diverses péripéties du personnage principal sont divertissantes, nous tiennent en haleine, et nous donnent en même temps à réfléchir sur des questions profondes qui restent en suspens.



This review “Reflets fictionnels, questions interculturelles” originally appeared in Contested Migrations. Spec. issue of Canadian Literature 219 (Winter 2013): 156.

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