Sublimations variables

  • Karoline Georges
    Variations endogènes. Éditions Alto (purchase at Amazon.ca)
Reviewed by Adrien Rannaud

Artiste multidisciplinaire, Karoline Georges a fait de la sublimation le matériau central de ses productions vidéographiques, numériques, photographiques et littéraires. Elle n’en déroge pas dans son récent recueil de nouvelles, Variations endogènes (2014). Annoncé par une couverture botanico-sexuelle — un anthurium très suggestif —, ce « cabinet des perversités » (quatrième de couverture) propose quatorze tableaux où violence sexuelle et désirs morbides servent une tentative de réflexion générale sur le pouvoir de la fiction sur nos sens.

Karoline Georges a fait le choix de n’introduire ses nouvelles que par des titres courts et polysémiques : « la victime », « l’amour », « la promenade », etc. Mais de quel « amour » parle-t-on? Dans la nouvelle du même nom, de quel « lieu » s’agit-il? Dans le sillage de ces titres ambivalents, les nouvelles de Variations endogènes respectent un certain art du renversement de situation et de la « chute ». Dans « L’amour », un homme raconte sa passion singulière pour Laura qui n’est autre, on l’apprend à la fin, qu’une poupée gonflable. L’ensemble des nouvelles s’appuie sur une chute similaire où le sublime devient grotesque, et inversement. Variations endogènes oscille constamment entre ces deux pôles, selon un rythme à la fois agréable et lassant.

Les sujets privilégiés de Karoline Georges? L’acte sexuel, le meurtre ou le suicide, le rêve d’être un autre (ou d’être soi), et l’amour parfois inaccessible, parfois hors-norme. Les nouvelles du recueil pourraient être qualifiées de « glauques ». On y meurt, on y nait, on se bat, on se brûle aux cigarettes. Les quatre personnes âgées de « La promenade » se vautrent dans une indécence dont un chien devient, malgré lui, le complice et la victime. Dans « Le plafond », on suit le parcours de vie d’une vieille femme qui s’apprête à mourir, presque seule. La mort, également, domine la nouvelle « La communion » : cette fois, il s’agit d’un fœtus qui raconte le suicide de sa mère, et par conséquent, sa propre mort. Les descriptions et les récits se suivent, amusent et agacent. La propension des personnages à vouloir mourir ou/et à être pris en flagrant délit d’acte sexuel est grande, comme s’ils cherchaient à assouvir un impossible besoin d’être. Dans l’univers de Karoline Georges, chacun est coupable de vice, tous sont victimes du désir des autres, et l’envie d’en finir n’est jamais loin.

On s’amuse parfois, mais on sort surtout un peu moribond de ce cabinet des perversités. Dans cette tentative de sublimation d’un sexe, d’une envie indésirable ou d’un homicide, on sent la facilité et l’exagération. Que comprendre aux overdoses d’images de sang et de sperme, que cachent-elles? Dans « L’incitation », Pierre assiste au suicide de Claire. Les derniers échanges sont marqués par une banalité qui fait rapidement oublier la nouvelle en question. Peut-être est-ce justement ce souci du banal qui fait l’intérêt de ce texte, et plus largement de Variations endogènes. Derrière l’excès se trouve l’ordinaire.

La lecture du livre s’achève par une nouvelle bien étrange. Dans « L’ordre du jour », l’auteure se livre, par le biais d’une assemblée imaginaire, à un questionnement naïf sur le monde. Cette séquence métaphorique et politique contraste nettement avec le réalisme cru et le dilettantisme du reste du recueil. Décevant, ce dernier tableau vient clore de façon abrupte la lecture d’un livre à la qualité variable, tant par les sujets que par l’art de la nouvelle que déploie Karoline Georges.



This review “Sublimations variables” originally appeared in Agency & Affect. Spec. issue of Canadian Literature 223 (Winter 2014): 154-55.

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