Tons de blanc


C’est à un raffinement lucide de la discrétion que nous convient les poèmes d’Antoine Boisclair, dont certains échantillons ont paru depuis quelques années en revue ainsi que dans une plaquette confidentielle en 2008. Également auteur d’un essai sur les liens entre poésie et peinture, Boisclair manifeste une prédilection évidente pour les portraits verbaux les plus sobres de Saint-Denys Garneau, de même que pour le poème « réaliste » promu par Robert Melançon, un mentor dont il adopte la posture marginale, à l’écart du vacarme contemporain et de ses avalanches d’images rapides. À l’écoute du « bruissement des possibles », attentif à la puissance des détails, on s’exerce ici à entendre un réel dont on semble toujours trop pressé de se détourner, et à capter l’événement au cœur même du banal apparent. Cela se fait à travers des vers généralement amples, où transparaît toujours l’expérience du souffle, et dont le rythme continu s’arrête au seuil de la prose.

Une majorité des poèmes débutent par une brève proposition sur les circonstances temporelles, ou encore par un constat philosophique ou moral qui sera ensuite développé, alors que l’inventaire de perceptions entre en contraste productif avec une volonté de rigueur. S’il s’agit de retrouver l’ouvert et les sources de la spontanéité du regard, il est d’emblée déterminé qu’on prospectera dans l’en-dessous, sous une démesure désormais normalisée, et que les refus de faire de l’effet seront autant sinon plus valorisés que les représentations proposées, comme en témoigne cet exercice combiné de présence et d’abstraction : « Il a plu. Un édifice fragile d’effluves s’élève / dans les rues pour nous accueillir / derrière chaque porte qui s’ouvre // à chaque bouffée d’air. Nous entrons en nous / comme dans une maison retrouvée / après longtemps d’errance. // Nous respirons l’air et, respirant, / prenons conscience d’habiter notre respiration ». Comme chez Garneau, « la nature se renvoie une image d’elle-même / devant l’homme qui la contemple », et le poème est autant un moyen d’échapper à la prison du Je qu’au chaos pur des phénomènes.

Malgré le risque occasionnel d’une tonalité précieuse ou scolaire, le recueil remporte finalement ce pari de modération grâce à un juste dosage d’ironie (voir « Métaphysique d’Acapulco ») et à une dimension diachronique permettant de faire de cette galerie de tableaux un parcours. Mobilité méditative d’un sujet résistant, dont la conscience à la fois défensive et exploratrice joue la carte d’un absolu en pointillés.



This review “Tons de blanc” originally appeared in Indigenous Focus. Spec. issue of Canadian Literature 215 (Winter 2012): 152-53.

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