Jack Kerouac, écrivain canadien-français ?

Et c’est reparti pour un tour. La publication annoncée par les Éditions du Boréal de deux textes inédits de Jack Kerouac écrits en français devrait relancer le débat entourant les racines québécoises et françaises de l’écrivain emblématique de la Beat Generation. Jean-François Chassay, dans L’Ambiguïté américaine. Le roman québécois face aux États-Unis (1995), a déjà donné un aperçu d’un débat dont il situe plus ou moins l’origine à la fameuse entrevue en français accordée par Kerouac à l’émission Le sel de la semaine en 1967. Quelques années après cette entrevue, au cours de laquelle on voyait Fernand Seguin inviter Kerouac à parler de son enfance et de ses ancêtres bretons, on a vu quelques écrivains comme Victor-Lévy Beaulieu aller jusqu’à suggérer que l’auteur de On the Road devait peut-être, après tout, être considéré comme un écrivain canadien-français, voire québécois.

Né dans la communauté franco-américaine de Lowell, au Massachussets, Jack Kerouac a passé les toutes premières années de sa vie dans la langue transmise par ses parents, Gabrielle-Ange Lévesque et Leo Kerouac. Celui que son père surnommait Ti-Jean est pourtant devenu une icône de la contreculture américaine grâce à une œuvre dont on ne connaissait jusqu’ici que le versant publié en anglais. Une entente conclue avec les héritiers de l’écrivain permettra de mettre au jour des manuscrits inédits rédigés en français qui sont autant de témoignages des rapports que n’a cessé d’entretenir Kerouac avec sa langue maternelle.

Le recueil publié par Boréal aura pour titre La vie est d’hommage et comprendra divers textes dont, Sur le chemin, une version préliminaire de On the Road, et La nuit est ma femme, le long début d’un roman resté inachevé. Les lecteurs les plus familiers de Kerouac reconnaitront également quelques passages de Maggie Cassidy et de Satori in Paris, œuvres qu’il a d’abord choisi de travailler en français. Jean-Christophe Cloutier, professeur adjoint de littérature anglaise à l’Université de Pennsylvanie assurera la présentation de cet ouvrage, dont la parution est prévue au printemps 2016.

Ces textes donneront-ils lieu à de nouvelles velléités d’appropriation de l’œuvre de Jack Kerouac par la critique canadienne et québécoise, telles qu’on a pu en voir se manifester régulièrement ces trente ou quarante dernières années ? Une chose est sûre, la reconnaissance de la place occupée par la langue française dans le processus d’écriture de Jack Kerouac permettra de dépasser un débat qui jusque-là se limitait souvent à invoquer la question des origines et de l’identité nationale.