Lec?ons de litte?rature : un sie?cle de manuels scolaires au Que?bec. Presses de l'Université de Montréal
Fruit d’une the?se de doctorat prime?e, ce volume est consacre? a? l’e?tude d’une douzaine de manuels scolaires de?die?s a? l’enseignement de l’histoire litte?raire au Que?bec. Le livre est divise? en cinq chapitres et l’analyse des ouvrages suit l’ordre chronologique de leur publication. Si les trois premiers chapitres sont consacre?s a? l’examen d’autant de manuels et de leur auteur — soit successivement Camille Roy, la sœur Marie-E?lise et Samuel Baillargeon — les deux derniers chapitres s’attachent davantage a? des pe?riodes associe?es a? deux tournants majeurs dans le domaine de l’e?ducation au Que?bec, soit le Rapport Parent et la re?forme Robillard. Ces deux e?ve?nements servent de pierre angulaire contextuelle a? l’auteure pour l’analyse croise?e d’une dizaine d’autres manuels scolaires.
Afin d’interpre?ter l’approche litte?raire qui se de?gage de ce corpus — dont les e?ditions s’e?talent sur l’ensemble du vingtie?me sie?cle — Cellard se donne pour ta?che de retracer la trame narrative de chacun des ouvrages. Cette de?marche visant a? exposer le re?cit critique des manuels confe?re d’ailleurs une grande originalite? a? l’entreprise de l’auteure. Paralle?lement, celle-ci examine l’e?volution de l’histoire litte?raire scolaire, e?volution qui se manifeste autant a? travers les diffe?rentes e?ditions d’un me?me manuel (en te?moigne le premier chapitre sur Roy) qu’a? travers d’une lecture transversale de tous les ouvrages mis a? l’e?tude. En plus de s’inte?resser aux aspects pe?dagogiques de chacun de ces manuels, l’auteure analyse les diffe?rentes formes de transmission de leur contenu, les valeurs qui y sont ve?hicule?es et la place accorde?e a? la construction d’une identite? nationale. En ce sens, un questionnement apparai?t en filigrane dans le volume et prend davantage d’envergure a? mesure que se forme le propre me?tare?cit de l’auteure : a? la lumie?re de l’interpre?tation globale du corpus, peut-on parler de la constitution d’une tradition litte?raire nationale qui mettrait en e?vidence une construction identitaire que?be?coise?
C’est avec une me?thodologie solide et une de?marche fort bien explicite?e que Karine Cellard nous guide a? travers l’univers du manuel scolaire que?be?cois. A? la fois par souci d’accessibilite? et de rigueur historiographique, une attention particulie?re est porte?e au contexte historique dans lequel chacun des ouvrages est publie?, de me?me qu’a? la pre?sentation des re?dacteurs de manuels que nous devons conside?rer en tant que narrateurs qui structurent le discours selon les valeurs et convictions qui leur sont propres. Bien au fait des limites de son entreprise, l’auteure e?vite de tomber dans les ge?ne?ralisations et nuance brillamment ses interpre?tations et conclusions. Par exemple, si elle affirme que le manuel scolaire s’ave?re un riche te?moin de la transmission culturelle des lettres et des diverses modalite?s d’une diffusion de l’identite? que?be?coise, Cellard souligne toutefois les limites de ses sources. En effet, le manuel pris individuellement ne saurait e?tre conside?re? comme le miroir d’une e?poque ou le reflet d’une identite? collective, tant est qu’il rele?ve, dans bien des cas, de la subjectivite? d’un seul individu. Cependant, alors que l’auteure conside?re le manuel comme « objet de savoir », elle mise sur le panorama offert par son corpus — se souciant me?me de manuels plus marginaux — pour e?tayer ses interpre?tations.