Avant, pendant et après la Révolution tranquille


Ce recueil d’essais et de chroniques d’André Langevin choisis et présentés par Karim Larose contient des réflexions sur les grands thèmes de la Révolution tranquille. Quiconque s’intéresse à cette période du Québec sera enchanté à la lecture de ce livre qui permet de découvrir ou d’approfondir la pensée d’un auteur phare de cette époque. Plus scolaire dans ses premières chroniques qui touchent surtout au théâtre, au métier de comédien, au conservatoire d’art dramatique, à Sartre et à Camus, ses analyses ne s’arrêtent pas à ces sujets assez simplistes et quasiment incontournables pour le jeune intellectuel canadien-français qui rêve, en 1940, d’une plus grande ouverture sur le monde. La pensée ainsi que les intérêts d’André Langevin évoluent et se complexifient au bonheur du lecteur qui voit apparaître sous ses yeux des réflexions de plus en plus soutenues sur des sujets autrement plus profonds. Le sens et la nécessité d’une Révolution tranquille, la condition socio-économique, linguistique et intellectuelle du Canadien français et de ses productions littéraires de même que les premiers balbutiements du mouvement indépendantiste représentent les thèmes sur lesquels les analyses de Langevin sont les plus abouties. « [N]otre long mépris des choses de l’esprit, notre façon honteuse de parler français, l’affreux visage américain de nos villes et de nos campagnes, l’américanisation outrancière de nos mœurs, la médiocrité satisfaite de tant de nos hommes publics. L’indépendance ou la souveraineté ne modifierait rien de tout cela parce que rien de cela ne nous a été imposé par les Anglo-Saxons, » écrit Langevin dès 1961. Le débat est lancé. Que faire pour sortir de la sous-culture qui a été le lot de ces « 60 000 paysans qui ont mis trois cents ans à engendrer des intellectuels » ? Comment arrêter ce « génocide culturel » et redorer « cette langue humiliée qui fait partie de nous, [qui] est une part essentielle de notre condition et de notre identité » ? Aux yeux de Langevin, « [r]evaloriser l’homme canadien-français semble être . . . la tâche la plus urgente » des années 1960. Pour y arriver, ce dernier souligne quatre grands axes qui constitueraient la case départ du fait qu’ils seraient à la base des autres dysfonctionnements connus, quatre thèmes incontournables du projet à venir qui doivent être abordés de front si le Canada français souhaite enfin sortir de son marasme historique et de sa grande noirceur intellectuelle : la primauté et la qualité du français, l’intégration des immigrants à la communauté francophone, la lente et difficile bilinguisation de la minorité anglophone de même que sa surreprésentation économique et politique à l’intérieur de la province du Québec (voir, entre autres, « Un rapport pour le Canada anglais ». Langevin reste persuadé « qu’il n’y a pas incompatibilité entre la réalité socio-économique de l’Amérique du Nord et [l’] épanouissement culturel [des francophones] ». Comme le dit ce dernier en 1998, lors de la réception du prix David, son travail intellectuel d’alors lui avait permis « de comprendre que la société de l’époque était trop pauvre, trop aliénée dans son identité pour se montrer généreuse ». Il restera à juger si le chemin a bel et bien été parcouru.



This review “Avant, pendant et après la Révolution tranquille” originally appeared in Asian Canadian Critique Beyond the Nation. Spec. issue of Canadian Literature 227 (Winter 2015): 170-71.

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