La Légende des anonymes et autres promenades. Éditions Triptyque
La Le?gende des anonymes et autres promenades est un re?seau de relations, dans le sens de re?cits mais aussi de liaisons, qui nous fait de?couvrir un microcosme de destins croise?s, une communaute? d’amis, d’amants et de familiers. Les nouvelles de Je?re?mie Leduc-Leblanc se lisent comme une se?rie d’adresses et de te?moignages — surtout amoureux —, ou? l’un parle a?/de l’autre en son absence. L’autre sera parti ou sur le point de partir; l’autre sera au loin ou dans une proximite? silencieuse; l’autre sera mort ou irre?me?diablement perdu. L’absence a diffe?rents visages, mais pour le pre?sent (comme on dit l’absent) qui est dans le de?sir et la parole, l’absence de l’autre signifie toujours : tu n’es pas la?. Ainsi, malgre? la diversite? des narrateurs — la polyphonie narrative — le recueil posse?de une extre?me cohe?sion the?matique. Ces histoires, qu’on dirait murmure?es s’il n’y avait pas en elles une espe?ce de cri e?touffe?, sont autant de variations sur le the?me du rapport intime a? l’autre, sur l’attachement et le de?chirement, la jouissance et la privation. S’il est vrai que toutes ces histoires s’adressent tant aux pieds qu’aux yeux, qu’elles retracent les itine?raires « de fuites, de courses effre?ne?es, d’exils et de de?parts », les qualifier de « promenades » rele?ve d’un usage approximatif ou ironique du terme; quoi qu’il en soit, le titre du recueil met le lecteur sur une fausse piste. Certes, plusieurs personnages de Leduc-Leblanc de?ambulent comme d’autres e?crivent, mais la marche est pour eux soit un pis-aller — en attendant de, a? de?faut de —, soit une forme erratique de recherche ou encore un mode d’approche, une manie?re d’aller a? la rencontre du monde. On ne croise nul protagoniste qui prend l’air pour le plaisir (qui se prome?ne donc), mais on aperc?oit des e?tres pris dans un va-et-vient constant entre le passe? d’une relation et le pre?sent d’une parole solitaire; des e?tres qui ne cessent de tourner autour d’un espace vide. Avec la parole, nous en sommes tous la?, a? tourner autour (du pot), accable?s par ce fait ine?luctable et parfois cruel : apre?s le dernier mot, tout reste a? dire. La Le?gende des anonymes et autres promenades est un bon premier recueil de nouvelles qui a su e?viter les e?cueils et les pie?ges du lyrisme, sans toutefois atteindre cette justesse dans le propos et l’expression qui bouleverse, qui ne laisse pas indemne.