DOLAM

  • Maurice Raymond (Editor) and Janine Gallant (Editor)
    Dictionnaire des œuvres litte?raires de l’Acadie des Maritimes du XXe sie?cle. Prise de Parole
Reviewed by Vincent Bouchard

Constituant un re?pertoire d’œuvres appartenant au corpus litte?raire acadien, le Dictionnaire des œuvres litte?raires de l’Acadie des Maritimes du XXe sie?cle (DOLAM) confirme un champ litte?raire et participe a? sa promotion. Se concentrant sur un corpus e?tabli apre?s 1958, il offre ne?anmoins une perspective historique en mentionnant les premie?res publications, telle Le Drame du peuple Acadien : reconstitution historique en neuf tableaux et une pose plastique de la dispersion des Acadiens (Jean-Baptiste Je?go, 1932). Le dictionnaire s’inte?resse en de?tail aux e?crits confirme?s (dont les œuvres principales d’Antonine Maillet, Raymond LeBlanc, Herme?ne?gilde Chiasson, Ge?rald Leblanc, France Daigle, entre autres), mais e?galement a? diffe?rentes formes de litte?ratures, dont le journal de Le?onard Forest, La Jointure du temps (1997).

Dans cette anthologie, la se?lection ne s’est pas faite sur la base d’une de?finition ethnique de la litte?rature acadienne, mais en fonction de l’interaction des œuvres et de leurs auteurs avec « l’Acadie re?elle ». Janine Gallant et Maurice Raymond ont de?fini trois crite?res de se?lection : les œuvres dont l’auteur est ne? et a ve?cu en Acadie; les œuvres dont l’auteur a ve?cu en Acadie, e?crivant sur son expe?rience acadienne; finalement, les textes publie?s en Acadie. Cette dernie?re cate?gorie permet, par exemple, de mentionner des e?crivains cadiens tel Zachary Richard (Faire re?colte, 1997) ou Jean Arceneaux (Suite du loup, 1998).

Outre un re?sume?, chaque fiche s’attarde sur des aspects diffe?rents (questions de production ou de re?ception, analyse du style, etc.), permettant ainsi de souligner la spe?cificite? de l’œuvre. Par exemple, au sujet de L’Acadie perdue de Michel Roy, Mar L. Johnson aborde la question du style apre?s avoir rappele? le contexte politique indispensable pour comprendre cette œuvre, c’est-a?-dire l’e?mergence d’un nationalisme acadien (qu’il compare au nationalisme que?be?cois). Ainsi sa pre?sentation d’une esthe?tique morcele?e, entre une voix « de l’historien critique », me?le?e a? « celle du pole?miste politique » et celle de l’« intellectuel du peuple frustre? » (L’Acadie perdue de Michel Roy, 1978), prend tout son sens. De me?me, concernant les Complaintes du continent de Ge?rard Leblanc, Franc?ois Pare? montre la me?diation de l’espace dans l’e?criture : « les lieux familiers du quartier monctionien ne cessent de s’e?largir, de prendre de l’amplitude. . . . E?tre ici et maintenant, dans l’instantane?ite? du quotidien, c’est de?ja? e?tre ailleurs, hors de soi-me?me, inscrit dans la dure?e des lieux : “ici espace demeure” ». Relaye?e par ce constat essentiel, l’ide?e de permanence s’oppose au de?racinement onirique, dont la poe?sie de Leblanc est partout l’exercice (Complaintes du continent de Ge?rard Leblanc, 1993).

Le the?me central de la question de la langue d’e?criture traverse cet ouvrage, abordant la question de la langue parle?e, ainsi que celle de la survie d’une communaute? menace?e sur diffe?rents fronts : a? ce sujet, la pre?sentation des Confessions de Jeanne de Valois d’Antonine Maillet est particulie?rement pertinente. De me?me, la question de l’invention linguistique est mise en valeur par Chantal Richard dans la pre?sentation du plurilinguisme de Bloupe : « La langue e?labore?e par Babineau ne peut pas e?tre conside?re?e comme repre?sentation mime?tique du parler oral chiac, mais un effet de style recherche? » (Bloupe de Jean Babineau, 1993).

L’introduction e?crite par Maurice Raymond, proposant un survol riche de la litte?rature acadienne et reposant sur la citation des principales analyses de la litte?rature acadienne constitue ainsi une excellente mise en contexte a? tout se?minaire s’inte?ressant a? la culture acadienne. Plus ge?ne?ralement, cet outil pe?dagogique sera un excellent support de promotion d’une litte?rature encore tre?s jeune, afin de participer a? la diffusion et a? la reconnaissance d’un champ litte?raire trop ne?glige?e (en France notamment). Ce dictionnaire confirme que la litte?rature acadienne est bien vivante, qu’elle se diversifie et travaille a? sa reconnaissance : comme le montre la mutation actuelle du re?seau d’e?diteurs acadiens, l’institution litte?raire est, malgre? les difficulte?s, en plein de?veloppement.



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