Lueurs aveuglantes

Reviewed by Kinga Zawada

Le champ lexical de la lumière est la notion qui unit les titres de Ouellette et de Resch et éclaire la réflexion suscitée par Trompeuses lumières (Prix de littérature éclairée du Nord) et Sous le soleil de midi (Prix littéraire Trillium).

Écrivain prolifique franco-ontarien, Michel Ouellette nous invite à revisiter son village natal de Smooth Rock Falls dans son remarquable troisième roman hybride, composé de sept poèmes inédits, de fragments de « La laitière et le pot au lait » de Lafontaine, de citations de Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance (1824) de Sadi Carnot, de brefs paragraphes descriptifs locaux, ainsi que d’une trame romanesque qui débute par un phénomène irrésolu : un inconnu mystérieux, aphasique et amnésique surgit au cimetière le même soir qu’un cercueil est profané. Mis à part la couleur des yeux, le revenant qu’on surnommera Lazarus et le défunt dont on ne retrouve pas la dépouille se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Mais comment croire à l’incroyable?

Fort heureusement, nul besoin de trancher entre le réel et l’imaginaire grâce à la note de la 4e de couverture qui situe ce roman captivant « à la frontière de la réalité et de l’onirisme » et qui laissera aux destinataires le loisir de renouer avec un thème clé de l’œuvre de l’auteur : la quête identitaire d’un personnage muet, dont l’histoire sera retracée par d’autres que lui. Comme souligné par Hotte, les assidus de Ouellette se réjouiront du changement de perspective du particulier vers l’universel et s’interrogeront aux côtés des personnages sur « l’existence même des choses et des événements. » Les diverses lumières (lune, étoiles, cadran, gyrophare, lampadaire, néons), parfois métaphoriques (police, science, littérature), provoqueront une réflexion « métaphysique » sans pour autant élucider l’énigme, ni fournir de réponse définitive à l’enquête.

Si chez Ouellette les lumières semblent mystificatrices ou trompeuses, le soleil brûlant de midi s’avère encore plus dangereux chez Resch. Dans son splendide recueil de dix-huit nouvelles, l’auteure et journaliste torontoise dépeint superbement les effets de chaleur extrême sur le comportement humain. Se manifestant sous diverses formes — flammes, rayons solaires, fièvre, suffocation, feu, canicule, ou ménopause — la chaleur se conjugue avec la tombée des masques dans un univers de plus en plus policé.  « C’est un comportement que souvent on essaie d’écraser, de tenir enfermé, parce que ce n’est pas politiquement correct », précise l’auteure. Lorsque la température corporelle monte, les instincts et les passions risquent de se déchainer dans un délire pernicieux.

Les lecteurs seront appelés à porter un nouveau regard sur les faits divers ou les nouvelles rapportées par les médias : une mère abandonnant son enfant dans une voiture embrasée, un éboueur étouffé et broyé, la déconcentration d’athlètes sous un soleil accablant, le calme avant le feu des mitraillettes, etc. L’écriture tempérée mais savamment persillée de subtiles références littéraires déclenchera un réseau intertextuel évoquant La nausée, Les mouches ou le mythe d’Icare. À avaler d’un coup avec un verre d’eau bien glacée!



This review “Lueurs aveuglantes” originally appeared in Rescaling CanLit: Global Readings Spec. issue of Canadian Literature 238 (2019): 158-159.

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