Quêtes

Reviewed by Emmanuel Bouchard

Quatrième recueil de Pierre Barrette publié aux éditions du Noroît, Epiphany, Arizona relate le voyage d’un couple sur les routes du sud des États-Unis. Ce qui est remarquable dans ce road book (c’est le titre de la première partie), qui peint d’une manière convaincante l’immensité du territoire, l’aridité des déserts et l’infini des routes, c’est le caractère intime de la quête d’absolu à laquelle se livrent les protagonistes; une quête aux résonnances mystiques qui s’accomplit souvent dans des lieux clos, comme cette « Chambre 33 » au milieu du désert, près de la frontière mexicaine, où les amants voyagent à la verticale, à la recherche de ce qui les dépasse : « Ta fureur est solaire, ton désir sans fond, et nous mourrons chaque jour un peu plus d’être sans foi soudés l’un à l’autre ». Voilà bien le sens de cette « Epiphany » qu’ils atteindront au terme du voyage, ce « vide parfait qui ouvre des cercles autour [d’eux] comme une légende écrite en travers de l’horizon ».
Récipiendaire du Prix du Gouverneur général en 2008, La lenteur du monde, neuvième recueil de Michel Pleau, poursuit également une quête de sens, traduite éloquemment dans ces deux vers du poème éponyme : « c’est d’une voix féconde / que j’avance tranquille jusqu’à moi ». La voix féconde du poète, c’est celle de l’enfance et de l’origine qui pointe ça et là dans un monde en apparence immobile à force de lenteur. Se déploie peut-être dans ce mouvement toute la dynamique du recueil : la rencontre d’une existence en évolution et du constant retour vers « le paysage premier », « la première forêt ». La thématique de la genèse traverse le livre et prend diverses figures (celles du premier amour, de la lumière naissante, du printemps ou même de la parole qui peine à éclore), comme si le voyage intérieur, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne pouvait se passer d’un ancrage dans l’espace, voire dans la nature. N’est-ce pas d’ailleurs cette nature qui, en fin de parcours, traduit le plus sûrement l’ambition du poète : « c’est alors que le vent / donne le ciel aux arbres / et que l’on veut devenir soi-même / vent et arbres // c’est alors que l’on veut devenir / devenir réellement nos gestes / devenir devenir / visible jusqu’au bout des mains / jusqu’au bout du jour / jusqu’au bout de l’ailleurs / où la vie est déjà commencée »? L’achèvement : le trait le plus visible de cette écriture tout intérieure.
Les éditions du Noroît offrent une nouvelle édition du recueil Les yeux sur moi, qui avait valu à son auteur le prix Jovette-Bernier l’année de sa parution, en 1999. Les textes de Martin Thibault abordent le réel d’une façon à la fois grave et amusée. L’enfance, l’amour et la poésie en sont les thèmes de prédilection : regard d’un père sur sa fille (et inversement), mais également regard d’un homme sur sa propre enfance, d’où jaillissent des souvenirs familiaux qui s’accrochent à des images bien dessinées; mises en scènes amoureuses formant, par endroits, de véritables petits tableaux narratifs; incarnations de la figure du poète qui doit sans cesse lutter contre lui-même ou contre son entourage (ce banquier, par exemple, qui « ne peu[t] prêter pour écrire » parce que « ça prend une garantie quelque chose comme une dent en or / dans un sourire pourri »). Ludique, cette poésie du regard, qui n’hésite jamais à jouer sur les mots, réussit à atteindre une intimité profonde : celle d’une existence toujours à l’affût des autres.



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