Individu et collectif

  • Jimmy Thibeault
    Des identités mouvantes: Se définir dans le contexte de la mondialisation. Éditions Nota Bene/Cefan (purchase at Amazon.ca)
Reviewed by Bettina Cenerelli

Dans cette thèse de doctorat (soutenu en 2008 à Ottawa), l’auteur part d’un corpus éclectique de treize romans, représentant pour lui la littérature minoritaire et migrante à travers le Canada dans le but de définir comment l’identité littéraire s’y défait et s’y reconstruit. L’identité littéraire ne peut plus se baser sur des références claires (« identités mouvantes »), l’histoire et le passé sont donc mis en question comme référents identitaires et la menace d’une homogénéisation dans le contexte de la mondialisation se reflète dans les créations littéraires. Le cadre d’analyse se veut ainsi « axé sur la représentation du processus d’identification dans la fiction à la suite de la mondialisation ». Qui se définit alors? Thibault évite de mettre en avant l’acte d’écrire ou encore l’origine ethnique ou biographiques des écrivains; en même temps, il s’intéresse au rapport entre les auteurs et leur communauté d’origine et d’accueil. Il souligne l’importance de la définition du soi littéraire par l’affirmation de sa propre présence au monde et redéfinition au présent : l’histoire du moi et une re-contextualisation du soi prennent le devant et amènent alors aussi à une nouvelle relation entre l’individu et la société dans laquelle ce dernier agit.

L’objectif du livre est d’« analyser, à partir des problématiques que soulève la mondialisation sur le plan des repères identitaires, le discours romanesque canadien-français depuis les années 1980 jusqu’au début des années 2000 afin d’en faire ressortir l’importance qu’y jouent les préoccupations identitaires actuelles ainsi que sa participation au débat ayant cours, dans les différents domaines des sciences sociales, sur les enjeux identitaires de la mondialisation ». La conclusion résume plus clairement l’intérêt pour les littératures minoritaires francophones et le lien entre le discours de fiction et les réalités « idéologiques » : « Partant du principe que le discours de fiction établit, volontairement ou non, un dialogue avec les différentes réalités idéologiques dans lesquelles il est produit, il m’a semblé important d’explorer cette question de l’affirmation des identités contemporaines, tant individuelles que collectives, dans un corpus de romans où la particularité sociogéographique des personnages, c’est-à-dire leur situation de minoritaires francophones sur un territoire majoritairement anglophone, rendait d’entrée de jeu la question du processus d’identification problématique. »

Dans quatre chapitres, Thibault analyse respectivement deux à quatre romans de différents auteurs pour faire ressortir certains éléments d’identification de soi, tels que le discours historiographique (chap. 1; à l’exemple d’un roman de Roch Carrier, Nancy Huston, Daniel Poliquin et Jacques Poulin), l’espace géographique (chap. 2; Antonine Maillet et Guillaume Vigneault), l’espace culturel (chap. 3; Dany Laferrière; Yin Chen et Didier Leclair) et l’espace social (chap. 4; Simone Chaput; Monique Proulx; Daniel Poliquin et Ulysse Landry). Rarement on y établit des liens entre les chapitres; au contraire, les différences reçoivent parfois plus d’attention : « Cette Amérique [chez Laferrière] n’a évidemment rien à voir avec celle que tentent de retrouver Jack Waterman et Robert Martin en articulant leurs parcours autours des repères historiographiques relatant la naissance du continent. » L’utilisation de la même citation dans trois chapitres différents fait naître des doutes quant à la généralisation possible des arguments mis de l’avant.

Sans nécessairement toujours s’y prêter, le corpus littéraire se voit transformé en un discours théorique. S’il y a un lien potentiel entre les romans étudiés, celui-ci se voit relégué en une remarque à part (un « désenchantement personnel à l’égard des référents qui servent traditionnellement à fonder l’identité des individus »), ou encore en note de bas de page : « Tous les romans étudiés mettent effectivement en scène des personnages qui ne se retrouvent plus dans l’espace collectif et qui, pour se défaire d’un malaise identitaire . . . tentent de s’affirmer en tant qu’individu habitant l’ici et le maintenant. »

Le livre aurait beaucoup gagné par l’ajout d’un index permettant de retrouver les livres étudiés puisqu’ils ne sont pas mentionnés dans la table des matières.

 



This review “Individu et collectif” originally appeared in Radio, Film, and Fiction. Spec. issue of Canadian Literature 225 (Summer 2015): 154-155.

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