Entre fleuve et rivière : correspondance entre Gabrielle Roy et Margaret Laurence. Éditions des Plaines (purchase at Amazon.ca)
Les lecteurs francophones se réjouiront certainement de la traduction de Dominique Fortier et de Sophie Voillot de la relation épistolaire entre Gabrielle Roy et Margaret Laurence. En 2004, Paul Socken avait déjà fait l’édition des trente-deux lettres échangées entre 1976 et 1983 par ces deux voix féminines majeures de la littérature canadienne. De plus, cet ouvrage récemment traduit s’ajoute aux autres éditions en langue française par, entre autres, François Ricard et Jane Everett, de la correspondance de Roy à d’autres intimes.
Une lettre du 15 février 1976, rédigée par Margaret Laurence, ouvre l’échange sous les auspices d’une certaine admiration. En effet, l’Ontarienne vient de terminer la lecture de La Route d’Altamont et n’a que de bons mots pour Roy qui semble à ce moment encore, une influence ou un mentor. Néanmoins, cette dernière se rattrape et commente à son tour l’œuvre de Laurence. Cordial dès le départ, l’échange épistolaire entre les deux femmes se teinte progressivement d’une aura amicale où s’instaure une confiance réciproque. Les bases même de cette confiance, et c’est ce qui marquera probablement le lecteur, réside dans cette manière qu’elles ont de se reconnaître l’une en l’autre. Comme l’écrit Laurence, « nous sommes après tout membres de la même tribu, tous autant que nous sommes ». Ce sentiment d’appartenance à une même « tribu » invite les épistolières à partager tant sur leur métier que sur leur vie quotidienne. Roy, quelque peu en retraite à son chalet, revient sur quelques moments de sa carrière, notamment le succès, — alors encore retentissant —, de Bonheur d’occasion. Même si les deux écrivent très peu à cette époque, c’est le début d’une certaine reconnaissance pour Margaret Laurence qui voit ses romans traduits au Cercle du Livre de France, notamment par Claire Martin. Plus tard, Gabrielle Roy ne manquera pas de se délecter de la traduction de The Oracles (Les Devins) en la comparant à l’original.
Tout au long cours de cette correspondance « entre fleuve et rivière », les deux écrivaines partagent leur vision de leur métier, de la création littéraire qui, marquée par la maladie, se fait de plus en plus rare et chacune ne manque pas de renseigner l’autre sur ses projets à venir. À un moment, la conversation dévie vers la politique et la question linguistique, mais c’est à mots presque couverts puisque l’essence même de l’échange réside dans le souvenir et le partage avec l’autre de son expérience d’écrivaine. Le lecteur trouvera dans cette édition de lettres un regard authentique posé sur près d’une décennie par deux des plus grandes et plus influentes auteures de la littérature canadienne.